Terrain - Associatif

Un samedi Sans A(bris)

Premier témoignage de la journée, celui d'Yves, 23 ans devenu SDF après avoir perdu ses parents
Yves, 23 ans « si mon histoire intéresse des gens, je veux bien la raconter »

Premier samedi de février, le rendez-vous est fixé à la gare Saint-Lazare avec Agy et Martin, des maraudeurs assez particuliers.
Heger alias Agy est une photographe talentueuse (http://magicagy.blogspot.fr). Elle a 28 ans, travaille dans l’associatif et s’est récemment découverte une passion pour le running.

Je la retrouve près du Burger King, d’où une longue chaîne humaine dégouline depuis la caisse dans l’attente de pouvoir passer commande. Elle est accompagnée de Martin, grand jeune homme de 18 ans.

Martin passe le bac cette année, il est rêveur. Au départ il s’était donné ce défi fou de passer une semaine dans la peau d’un SDF. Mais… « je n’ai tenu qu’un jour, le plus dur ce n’était pas le froid ou la faim mais le fait de n’être plus du tout considéré. Quand on m’ignorait c’était comme si on me plantait des coups de couteaux, il m’a fallut une semaine pour me remettre de cette expérience.»

De prime abord, on se dit que son expérience est bizarre voire déplacée, mais au fil de la maraude cette histoire n’est plus que le fruit d’une naïveté et du rêve d’un monde meilleur. Cette naïveté contient quelque chose de pur, que l’on aimerait briser par du sarcasme et un dur retour à la réalité mais que l’on comprend vite intouchable.

La rencontre entre les maraudeurs remonte à novembre dernier. Martin décide alors de contacter Agy après avoir vu son travail sur la thématique de la solitude qui comportait des photos de SDF. Ils tombent d’accord et le projet « Sans A(bris) » voit le jour.

Le concept est assez simple, depuis trois mois Agy et Martin sillonnent le quartier de Saint-Lazare et y rencontrent des SDF. Leur but est de récolter des témoignages sur leurs conditions de vie tout en créant du lien social.

L’après-midi file à grande vitesse, chaque arrêt est une nouvelle discussion, une nouvelle histoire.
Agy canalise les excès de Martin, lui distribue des clopes en demandant des nouvelles des enfants, du chien, des autres copains. Pragmatique elle a préparé une surprise aux « Sans A », des chaufferettes. À Chaque stop, ils s’assoient « c’est important de se mettre à la hauteur des personnes auxquelles on parle, on voit ce qu’ils voient » explique la photographe. Les chaufferettes partent comme des petits pains, la chaleur humaine, elle demeure. Inchangée du premier au dernier « Sans A » de la maraude.

Martin et Agy distribuent des chaufferettes aux abord de la gare Saint-Lazare
Martin et Agy distribuent des chaufferettes aux abords de la gare Saint-Lazare

Selon l’humeur et la volonté du SDF rencontré, Martin recueille un témoignage. Plusieurs thématiques au menu : de la famille à la vie sexuelle en passant par le travail. Ces témoignages sont ensuite mis en ligne sur la page Facebook « Sans A » (https://www.facebook.com/SansAPage).

Martin recueille le témoignage d'Yves pendant qu'Agy discute avec l'un de ses amis
Martin recueille le témoignage d’Yves pendant qu’Agy discute avec l’un de ses amis

Au cours de cette journée Martin et Agy apprennent que l’un des SDF a trouvé du travail. Ration de clopes doublées, grands sourires et franches poignées de mains.

16h : Pause dans un café du coin. La discussion repart de plus belle. Martin se lance dans une diatribe sur l’égoïsme qui sévit dans notre société, Agy tempère. Cette jeune femme a une douceur, presque maternelle, Martin est encore un jeune garçon. Elle sait comment lui parler et sait également le laisser divaguer.

On se quitte comme dans les films romantiques, sur une belle histoire, celle de Dimitri.

Courant décembre, énième maraude au cours de laquelle ils retrouvent Dimitri. Il est d’accord pour répondre à leurs questions. Ce sera sur la thématique de la famille. Dimitri leur apprend qu’il a perdu tout contact avec son fils depuis 14 ans.

De la fougue, un sacré culot et une bonne connexion internet permettent à Martin de trouver un jeune homme dont le nom et prénom concordent. Plusieurs mails s’ensuivent…

Trente minutes plus tard, un inconnu s’est joint à cette maraude. Une scène invraisemblable se déroule sous leurs yeux. Ils ont été metteurs en scène et réalisateurs de cette prise sans connaître le scénario ni même les acteurs.

En racontant, Agy et Martin ne réalisent toujours pas « c’était son fils ! » lance Agy. Avant de conclure, « t’imagines 14 ans de perdus ? …»

Silence.

Clap de fin.

Difficile d’imaginer en effet.

Véritable conte de faits…

Note : Lors de ce reportage, Agy et Martin m’ont parlé de leur envie de passer du statut de simples maraudeurs à celui d’association. Le procès verbal de l’association vient tout juste d’être signé. Le début d’une nouvelle ère.

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